Hénin-Beaumont,
une ville symbole.
Hénin-Beaumont.
25 000 habitants. Nord-Pas-deCalais. Ancien bassin minier, à quelques
kilomètres de Courrières. Bastion de la SFIO dès l’entre-deux-guerres et fief
d’Adolphe Charlon (1918-1940).
Aujourd’hui,
Hénin-Beaumont est plutôt connue pour la désindustrialisation du Pas-de-Calais,
le chômage et la misère sociale ainsi que les affaires liées à la municipalité
socialiste de Gérard Dalongeville, maire de 2001 à 2009. Détournement de fonds
publics, corruption, faux en écriture, favoritisme, Dalongeville il est démis
de son mandat en 2009 et l’affaire est toujours devant les tribunaux.
Bref, 4 millions d’euros données à des entreprises amis qui n’effectuaient
jamais les travaux. Son livre, Rose mafia (2012) éclabousse de nombreuses
personnalités du PS de la fédération du Pas-de-Calais.
Hénin-Beaumont,
une ville laboratoire de la méthode de Marine Le Pen
Dans
la perspective de sa conquête du Front National et de l’obtention de la
présidence en 2011, Marine Le Pen marque la différence avec son père : le
FN doit être un parti qui gouverne. Pour cela, rien de mieux que de posséder un
fief.
Elle
fait le choix d’Hénin-Beaumont en 2007, ce qui ne doit rien au hasard. Marine
Le Pen sait que l’extrême droite n’est jamais aussi dangereuse que lorsqu’elle
dénonce – outre ses thèmes habituels xénophobes, anti-immigrés et sécuritaire –
la caste politique engluée dans les affaires et qu’elle fait du social
(délocalisation, misère) son fonds de commerce.
Surtout,
à Hénin-Beaumont, le FN possède des cadres et des militants, à l’image de
Steeve Briois qui monte des réseaux depuis de quinze années. Dans son sillage,
Laurent Brice et Bruno Bilde (aujourd’hui chef de cabinet de Marine Le Pen).
En
2007, alors que Le Pen père s’effondre aux présidentielle à 10% des voix,
Marine Le Pen est la seule frontiste à être au second tour des législatives
dans la quatorzième circonscription. Obtenant 24,5% des suffrages au premier
tour (contre 4,3% en moyenne pour les candidats du FN en France), Marine Le Pen
s’incline au second avec 41,65% contre le député PS sortant, Albert Facon (qui
avait bénéficié d’un « Front Républicain » excepté le MPF de De
Villiers)
Par la
suite, profitant des affaires touchant la municipalité Dalongeville
d’Hénin-Beaumont, Marine Le Pen s’implante dans la ville et participe aux élections municipales : le
FN obtient cinq conseillers municipaux lors des municipales de 2008 (28,83% au
premier tour ; 28,63% au second). En 2009, le FN obtient 39,34% au premier
tour de l’élection municipale partielle et s’incline au second face à un
« Front Républicain » qui permet au divers gauche Daniel Duquenne
(opposant historique du PS local de Dalongeville) de l’emporter avec 52,38%
contre 47,62% pour le FN, soit 265 voix d’écart…
Bien
qu’ayant démissionné pour cumul des mandats en 2011, Marine Le Pen fait figure
de favorite pour les législatives de 2012 notamment favorisé par le redécoupage
de la circonscription.
Jean-Luc
Mélenchon : une candidature symbolique pour un combat frontal avec
l’extrême droite.
On
a donc aujourd’hui la réponse : Jean-Luc Mélenchon voulait porter le fer
lors de cette élection législative. Les médias avaient spéculé sur le choix de
son atterrissage (Paris, Marseille, banlieue parisienne, Sud-est de la France)
mais une chose était vrai, la volonté de Jean-Luc Mélenchon de poursuivre le
combat entamer lors des présidentielles : porter le programme l’Humain
d’abord (combat contre la finance, défense de l’emploi, des services publics,
planification écologique, VIe République, combat pour une autre Europe),
affronter argument contre argument l’extrême droite incarnée par le FN et
Marine Le Pen ;
Dans
la vision de Mélenchon, la crise que traverse la France, les choix des uns
contre les autres, l’invite à penser qu’à terme, le combat se fera entre la
gauche de la gauche (le Front de Gauche) et l’extrême droite (le FN) suite au
sabordage de la droite républicaine par glissement et par radicalisation (ce
qu’a démontré selon lui la campagne de Sarkozy en 2012).
Ce
matin, lors d’une conférence de presse à 13h00, Hervé Poly (secrétaire fédéral
du PCF et candidat jusque-là dans la onzième circonscription du Pas-de-Calais)
et Jean-Luc Mélenchon ont donc explicité le pourquoi du combat : le Front
de Gauche veut donc affronter idéologiquement l’extrême droite et le FN et
« éviter le hold-up électoral » de Marine Le Pen sur cette
circonscription car « Nous ne
sommes pas ici sur les terres de Mme Le Pen, ce n'est pas son fief
électoral, ici c'est la gauche, le drapeau rouge, la résistance, c'est toutes
ces choses-là d'abord ! »
« Je
pense que nous mesurons tous le caractère extraordinaire de ce que nous allons
entreprendre ensemble. En ayant reçu tant de gestes de fraternité, j'ai bien
compris que vous m'accueillez pour la bataille qui s'annonce. Mais une bataille
menée avec la raison, les arguments ; il n'y aura pas de bataille de chien.
[…]
Nous sommes pour l'instant la deuxième force de gauche. Mais pour ce qui est de
la clarté des perspectives et de la force des idées, nous sommes la première.
Ce
pays a été martyrisé par le libéralisme, il n'y a pas d'autres mots. Quelques
soit les efforts de vos élus locaux, la solution est nationale et
internationale. La loi peut rendre impossible que les patrons voyous saccagent
le tissu industriel. La loi peut les punir. Dans la bataille que nous allons
mener vont se confronter deux visions de la sortie de crise. Comme en Europe.
Je ne viens pas faire semblant que je vais sortir de ma musette des emplois,
des usines. Non, nous allons demander à chacun de répondre à cette question :
le problème c'est les immigrés ou les banquiers ? C'est les immigrés qui
ferment les usines ? Non. Si vous voulez vous interdire les licenciements
boursiers, votez Mélenchon et Poly.
[...]
La bataille face au Front National est indispensable. On me dit : vous en
faites une fixation, une affaire personnelle. Mais c'est une affaire collective
! Le glissement de la droite vers l’extrême droite, je ne l'ai pas inventé.
Quand on en attaque un on attaque l'autre. Et oui je viens mener bataille
contre la droite, car je suis la gauche. Je mets au défi madame Le Pen. Mais
avec des arguments, ayant un débat. Car nous misons sur l'intelligence et le
cœur de chacun. Rue par rue, porte par porte, nous allons nous y mettre, dans
toute la circonscription.
Et
je demande aux socialistes de mettre de côté les batailles locales, les
querelles, les tricheries aux élections... Il faut lancer une rénovation pour
rassembler chaque conscience de gauche. Quiconque vote pour nous ne s'engage
pour rien d'autre que pour l'Humain d'abord.
Je veux aussi vous dire que c'est une fierté, un orgueil pour moi d'avoir été votre candidat aux présidentielles. Et comme je suis fier aujourd’hui d'être le candidat des communistes du Pas de Calais. Nous ne sommes pas ici sur les terres de Madame Le Pen. Ici c'est la gauche, c'est le drapeau rouge, la résistance. »
Je veux aussi vous dire que c'est une fierté, un orgueil pour moi d'avoir été votre candidat aux présidentielles. Et comme je suis fier aujourd’hui d'être le candidat des communistes du Pas de Calais. Nous ne sommes pas ici sur les terres de Madame Le Pen. Ici c'est la gauche, c'est le drapeau rouge, la résistance. »
Onzième
circonscription du Pas-de-Calais : pronostics incertains
Implantée
depuis 2007, Marine Le Pen bénéficie de l’état de délabrement du PS enferré
dans les affaires et de la désespérance sociale (délocalisation). Elle a su
tisser des réseaux avec l’activiste Steeve Briois et obtient des scores de plus
en plus haut dans la circonscription et aux municipales d’Hénin-Beaumont
(47,62% au second tour des municipales de 2009). Son score au premier tour
des présidentielles de 2012 dans la onzième circonscription le confirme (31,%)
Bien
qu’affirmant venir porter un « combat d’idées », Jean-Luc Mélenchon
doit faire face aux critiques véhiculées par l’extrême-droite très reprises sur
les réactions dans les articles des journaux (du monde au Figaro en passant par
l’Humanité ou Libé) : il s’agirait d’un acte mégalomane, d’un parachutage,
d’un acte qui montrerait la nature – forcément négative – du bonhomme !
Avec aussi le risque d’être enfermer dans un traitement spectacle médiatique…
Au-delà
de la bataille pour renverser cette interprétation de sa candidature déjà bien
installée, la difficulté de la candidature de Mélenchon est que le FN et Marine
Le Pen sont en position de favori dans cette circonscription et en phase
ascendante depuis 2007.
Si
on ne peut que relever le panache de l’ancien candidat aux présidentielle, la
bataille idéologique qui s’annonce risque d’être difficile. Sans doute que
Mélenchon miniminise la victoire idéologique du FN à Hénin et ne mesure pas
l’importance des réseaux de terrain, de sociabilité, montés par Briois,
l’enfant du pays depuis quinze ans.
Briois
ironise donc aujourd’hui : « Ils ne savent pas où ils mettent les
pieds… »
On
ne peut pas lui donner tort. Mais, cette bataille idéologique entre le Front de
Gauche et le FN peut aussi conduire à dégonfler la « baudruche » de
l’extrême droite dans le secteur en reprenant le travail de terrain militant
conduit par le PCF et rendu visible par la présence de Mélenchon. En tous les
cas, un pari risqué du FDG et de Mélenchon si la campagne d’idées ne parvient
pas à percer le traitement médiatique qui sera celle d’une course de chevaux
entre Le Pen et Mélenchon, entre deux styles, entre deux personnalités.
Jean-Luc
Mélenchon va devoir faire face à une autre réalité de terrain, celle des
réseaux socialistes.
Côté
socialistes, le candidat Philippe Kemel devrait maintenir sa candidature et
rien ne dit, si sa campagne ne fonctionne pas, que Mélenchon devancera Kemel.
Il
ne faut pas oublier que malgré des élus tombés par les affaires, le PS local
est très influent et possède la quasi-totalité des municipalités de la
circonscription : Carvin (Philippe Kemel), Courrières (Christophe Pilch),
LeForest (Christian Musial ) et Montigny-en-Gohelle (Bruno Yard) . Seuls
Hénin-Beaumont (Eugène Binaisse, divers gauche) et Rouvroy (Jean Haza, PCF) ne
sont pas socialistes.
Au
PS, seule Marie-Noëlle Lienemann évoque une candidature commune autour de
Mélenchon, elle qui avait été parachuté à Hénin-Beaumont en 2008-2009 pour
faire face à la dérive affairiste du PS locale (Lienemann avait, avec le PCF
local, voté contre le dernier budget de Dalongeville en 2008 et avait pris une
part dans la dénonciation des affaires).
Outre
la candidature Kemel (PS), la candidature écologiste (EELV et MEI) de Marine
Tondelier devrait être maintenue d’autant plus que Tondelier est la seule à
être née dans la circonscription (contrairement à Kemel et Mélenchon).
Tondelier affirme aujourd’hui dans le Monde : « C'est un choix un peu risqué : Hénin-Beaumont connaît une
situation locale vraiment spécifique. Entre le chômage, la désindustrialisation
et les rumeurs incessantes de corruption sur le PS, la population en a
ras-le-bol de se faire instrumentaliser »
Par
contre, deux autres candidatures dans la mouvance de la gauche de la gauche et
du communisme devrait ne pas être maintenues et soutenir Mélenchon : celle
de Michèle Dessenne (M’PEP et PRCF) et celle de Pierre Rose (POC)
Enfin,
bien qu’à la portion congrue, les droites ont leurs candidats :
Anne-Sophie Taszarek (La Gauche Moderne soutenue par l’UMP), Jean Urbaniak
(Modem) et Michel Vast (Debout la République).
Pour
rappel, lors du premier tour des présidentielles de 2012, voici les scores
obtenus dans la onzième circonscription : Marine Le Pen 31,42%, François
Hollande 28,75%, Nicolas Sarkozy 15,79%, Jean-Luc Mélenchon 14,85%, François
Bayrou 4,55%, Nicolas Dupont-Aignan 1,34%, Philippe Poutou 1,16%, Eva Joly
1,05%, Nathalie Arthaud 0,84%, Jacques Cheminade 0,24%.
Des
résultats très favorables au bloc des gauches (46,65%) malgré le poids de l’extrême
droite, ce que confirme le second tour où Hollande a frôlé la barre des 60%
contre Sarkozy... Si il n'y avait pas la réalité locale... Celle de la présence de Marine Le Pen...
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