dimanche 13 mai 2012

ZOOM SUR UNE CIRCONSCRIPTION ----- N°1 ----- Onzième circonscription du Pas-de-Calais

C’est donc maintenant officiel : la onzième circonscription du Pas-de-Calais sera sous les feux des projecteurs médiatiques durant la campagne législative. Pas seulement parce que la présidente du Front National, Marine Le Pen, tente de faire d’Hénin Beaumont son fief électoral mais parce que Jean-Luc Mélenchon, co-président du Parti de Gauche et candidat du Front de Gauche aux présidentielles vient porter le combat

Hénin-Beaumont, une ville symbole.
Hénin-Beaumont. 25 000 habitants. Nord-Pas-deCalais. Ancien bassin minier, à quelques kilomètres de Courrières. Bastion de la SFIO dès l’entre-deux-guerres et fief d’Adolphe Charlon (1918-1940).
Aujourd’hui, Hénin-Beaumont est plutôt connue pour la désindustrialisation du Pas-de-Calais, le chômage et la misère sociale ainsi que les affaires liées à la municipalité socialiste de Gérard Dalongeville, maire de 2001 à 2009. Détournement de fonds publics, corruption, faux en écriture, favoritisme, Dalongeville il est démis de son mandat en 2009 et l’affaire est toujours devant les tribunaux. Bref, 4 millions d’euros données à des entreprises amis qui n’effectuaient jamais les travaux. Son livre, Rose mafia (2012) éclabousse de nombreuses personnalités du PS de la fédération du Pas-de-Calais.

Hénin-Beaumont, une ville laboratoire de la méthode de Marine Le Pen
Dans la perspective de sa conquête du Front National et de l’obtention de la présidence en 2011, Marine Le Pen marque la différence avec son père : le FN doit être un parti qui gouverne. Pour cela, rien de mieux que de posséder un fief.
Elle fait le choix d’Hénin-Beaumont en 2007, ce qui ne doit rien au hasard. Marine Le Pen sait que l’extrême droite n’est jamais aussi dangereuse que lorsqu’elle dénonce – outre ses thèmes habituels xénophobes, anti-immigrés et sécuritaire – la caste politique engluée dans les affaires et qu’elle fait du social (délocalisation, misère) son fonds de commerce.
Surtout, à Hénin-Beaumont, le FN possède des cadres et des militants, à l’image de Steeve Briois qui monte des réseaux depuis de quinze années. Dans son sillage, Laurent Brice et Bruno Bilde (aujourd’hui chef de cabinet de Marine Le Pen).
En 2007, alors que Le Pen père s’effondre aux présidentielle à 10% des voix, Marine Le Pen est la seule frontiste à être au second tour des législatives dans la quatorzième circonscription. Obtenant 24,5% des suffrages au premier tour (contre 4,3% en moyenne pour les candidats du FN en France), Marine Le Pen s’incline au second avec 41,65% contre le député PS sortant, Albert Facon (qui avait bénéficié d’un « Front Républicain » excepté le MPF de De Villiers)
Par la suite, profitant des affaires touchant la municipalité Dalongeville d’Hénin-Beaumont, Marine Le Pen s’implante dans la ville et   participe aux élections municipales : le FN obtient cinq conseillers municipaux lors des municipales de 2008 (28,83% au premier tour ; 28,63% au second). En 2009, le FN obtient 39,34% au premier tour de l’élection municipale partielle et s’incline au second face à un « Front Républicain » qui permet au divers gauche Daniel Duquenne (opposant historique du PS local de Dalongeville) de l’emporter avec 52,38% contre 47,62% pour le FN, soit 265 voix d’écart
Bien qu’ayant démissionné pour cumul des mandats en 2011, Marine Le Pen fait figure de favorite pour les législatives de 2012 notamment favorisé par le redécoupage de la circonscription.

Jean-Luc Mélenchon : une candidature symbolique pour un combat frontal avec l’extrême droite.
On a donc aujourd’hui la réponse : Jean-Luc Mélenchon voulait porter le fer lors de cette élection législative. Les médias avaient spéculé sur le choix de son atterrissage (Paris, Marseille, banlieue parisienne, Sud-est de la France) mais une chose était vrai, la volonté de Jean-Luc Mélenchon de poursuivre le combat entamer lors des présidentielles : porter le programme l’Humain d’abord (combat contre la finance, défense de l’emploi, des services publics, planification écologique, VIe République, combat pour une autre Europe), affronter argument contre argument l’extrême droite incarnée par le FN et Marine Le Pen ;
Dans la vision de Mélenchon, la crise que traverse la France, les choix des uns contre les autres, l’invite à penser qu’à terme, le combat se fera entre la gauche de la gauche (le Front de Gauche) et l’extrême droite (le FN) suite au sabordage de la droite républicaine par glissement et par radicalisation (ce qu’a démontré selon lui la campagne de Sarkozy en 2012).
Ce matin, lors d’une conférence de presse à 13h00, Hervé Poly (secrétaire fédéral du PCF et candidat jusque-là dans la onzième circonscription du Pas-de-Calais) et Jean-Luc Mélenchon ont donc explicité le pourquoi du combat : le Front de Gauche veut donc affronter idéologiquement l’extrême droite et le FN et « éviter le hold-up électoral » de Marine Le Pen sur cette circonscription car « Nous ne sommes pas ici sur les terres de Mme Le Pen, ce n'est pas son fief électoral, ici c'est la gauche, le drapeau rouge, la résistance, c'est toutes ces choses-là d'abord ! »
« Je pense que nous mesurons tous le caractère extraordinaire de ce que nous allons entreprendre ensemble. En ayant reçu tant de gestes de fraternité, j'ai bien compris que vous m'accueillez pour la bataille qui s'annonce. Mais une bataille menée avec la raison, les arguments ; il n'y aura pas de bataille de chien.
[…] Nous sommes pour l'instant la deuxième force de gauche. Mais pour ce qui est de la clarté des perspectives et de la force des idées, nous sommes la première.
Ce pays a été martyrisé par le libéralisme, il n'y a pas d'autres mots. Quelques soit les efforts de vos élus locaux, la solution est nationale et internationale. La loi peut rendre impossible que les patrons voyous saccagent le tissu industriel. La loi peut les punir. Dans la bataille que nous allons mener vont se confronter deux visions de la sortie de crise. Comme en Europe. Je ne viens pas faire semblant que je vais sortir de ma musette des emplois, des usines. Non, nous allons demander à chacun de répondre à cette question : le problème c'est les immigrés ou les banquiers ? C'est les immigrés qui ferment les usines ? Non. Si vous voulez vous interdire les licenciements boursiers, votez Mélenchon et Poly.
[...] La bataille face au Front National est indispensable. On me dit : vous en faites une fixation, une affaire personnelle. Mais c'est une affaire collective ! Le glissement de la droite vers l’extrême droite, je ne l'ai pas inventé. Quand on en attaque un on attaque l'autre. Et oui je viens mener bataille contre la droite, car je suis la gauche. Je mets au défi madame Le Pen. Mais avec des arguments, ayant un débat. Car nous misons sur l'intelligence et le cœur de chacun. Rue par rue, porte par porte, nous allons nous y mettre, dans toute la circonscription.
Et je demande aux socialistes de mettre de côté les batailles locales, les querelles, les tricheries aux élections... Il faut lancer une rénovation pour rassembler chaque conscience de gauche. Quiconque vote pour nous ne s'engage pour rien d'autre que pour l'Humain d'abord.
Je veux aussi vous dire que c'est une fierté, un orgueil pour moi d'avoir été votre candidat aux présidentielles. Et comme je suis fier aujourd’hui d'être le candidat des communistes du Pas de Calais. Nous ne sommes pas ici sur les terres de Madame Le Pen. Ici c'est la gauche, c'est le drapeau rouge, la résistance. »



Onzième circonscription du Pas-de-Calais : pronostics incertains
Implantée depuis 2007, Marine Le Pen bénéficie de l’état de délabrement du PS enferré dans les affaires et de la désespérance sociale (délocalisation). Elle a su tisser des réseaux avec l’activiste Steeve Briois et obtient des scores de plus en plus haut dans la circonscription et aux municipales d’Hénin-Beaumont (47,62% au second tour des municipales de 2009). Son score au premier tour des présidentielles de 2012 dans la onzième circonscription le confirme (31,%)
Bien qu’affirmant venir porter un « combat d’idées », Jean-Luc Mélenchon doit faire face aux critiques véhiculées par l’extrême-droite très reprises sur les réactions dans les articles des journaux (du monde au Figaro en passant par l’Humanité ou Libé) : il s’agirait d’un acte mégalomane, d’un parachutage, d’un acte qui montrerait la nature – forcément négative – du bonhomme ! Avec aussi le risque d’être enfermer dans un traitement spectacle médiatique…
Au-delà de la bataille pour renverser cette interprétation de sa candidature déjà bien installée, la difficulté de la candidature de Mélenchon est que le FN et Marine Le Pen sont en position de favori dans cette circonscription et en phase ascendante depuis 2007.
Si on ne peut que relever le panache de l’ancien candidat aux présidentielle, la bataille idéologique qui s’annonce risque d’être difficile. Sans doute que Mélenchon miniminise la victoire idéologique du FN à Hénin et ne mesure pas l’importance des réseaux de terrain, de sociabilité, montés par Briois, l’enfant du pays depuis quinze ans.
Briois ironise donc aujourd’hui : « Ils ne savent pas où ils mettent les pieds… »
On ne peut pas lui donner tort. Mais, cette bataille idéologique entre le Front de Gauche et le FN peut aussi conduire à dégonfler la « baudruche » de l’extrême droite dans le secteur en reprenant le travail de terrain militant conduit par le PCF et rendu visible par la présence de Mélenchon. En tous les cas, un pari risqué du FDG et de Mélenchon si la campagne d’idées ne parvient pas à percer le traitement médiatique qui sera celle d’une course de chevaux entre Le Pen et Mélenchon, entre deux styles, entre deux personnalités.

Jean-Luc Mélenchon va devoir faire face à une autre réalité de terrain, celle des réseaux socialistes.
Côté socialistes, le candidat Philippe Kemel devrait maintenir sa candidature et rien ne dit, si sa campagne ne fonctionne pas, que Mélenchon devancera Kemel.

Il ne faut pas oublier que malgré des élus tombés par les affaires, le PS local est très influent et possède la quasi-totalité des municipalités de la circonscription : Carvin (Philippe Kemel), Courrières (Christophe Pilch), LeForest (Christian Musial ) et Montigny-en-Gohelle (Bruno Yard) . Seuls Hénin-Beaumont (Eugène Binaisse, divers gauche) et Rouvroy (Jean Haza, PCF) ne sont pas socialistes.

Au PS, seule Marie-Noëlle Lienemann évoque une candidature commune autour de Mélenchon, elle qui avait été parachuté à Hénin-Beaumont en 2008-2009 pour faire face à la dérive affairiste du PS locale (Lienemann avait, avec le PCF local, voté contre le dernier budget de Dalongeville en 2008 et avait pris une part dans la dénonciation des affaires).
Outre la candidature Kemel (PS), la candidature écologiste (EELV et MEI) de Marine Tondelier devrait être maintenue d’autant plus que Tondelier est la seule à être née dans la circonscription (contrairement à Kemel et Mélenchon). Tondelier affirme aujourd’hui dans le Monde : « C'est un choix un peu risqué : Hénin-Beaumont connaît une situation locale vraiment spécifique. Entre le chômage, la désindustrialisation et les rumeurs incessantes de corruption sur le PS, la population en a ras-le-bol de se faire instrumentaliser »
Par contre, deux autres candidatures dans la mouvance de la gauche de la gauche et du communisme devrait ne pas être maintenues et soutenir Mélenchon : celle de Michèle Dessenne (M’PEP et PRCF) et celle de Pierre Rose (POC)
Enfin, bien qu’à la portion congrue, les droites ont leurs candidats : Anne-Sophie Taszarek (La Gauche Moderne soutenue par l’UMP), Jean Urbaniak (Modem) et Michel Vast (Debout la République).
Pour rappel, lors du premier tour des présidentielles de 2012, voici les scores obtenus dans la onzième circonscription : Marine Le Pen 31,42%, François Hollande 28,75%, Nicolas Sarkozy 15,79%, Jean-Luc Mélenchon 14,85%, François Bayrou 4,55%, Nicolas Dupont-Aignan 1,34%, Philippe Poutou 1,16%, Eva Joly 1,05%, Nathalie Arthaud 0,84%, Jacques Cheminade 0,24%.
Des résultats très favorables au bloc des gauches (46,65%) malgré le poids de l’extrême droite, ce que confirme le second tour où Hollande a frôlé la barre des 60% contre Sarkozy... Si il n'y avait pas la réalité locale... Celle de la présence de Marine Le Pen...

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